Le sissia, un début d'explication
- johannfotsing
- 4 avr.
- 3 min de lecture
Qu'est-ce que le sissia ?
Le sissia dans sa compréhension la plus immédiate fait penser à l'intimidation, à la menace. Une personne disposant d'un attribut de pouvoir l'emploie, plus ou moins ouvertement, pour obtenir d'une autre qu'elle agisse selon sa volonté. Intimidation, menace, abus de pouvoir, raquette, humiliation, violence, etc. sont les diverses manifestations du sissia. Tellement de significations peuvent se retrouver derrière ce mot de sissia lorsqu'il est communément employé. Mais ce qui se joue au cœur de toutes ces possibles significations et manifestations du sissia, c'est toujours la même chose, le même motif, le même but: le désarmement moral et la désorientation psychologique de l'autre en vue d'affirmer un ascendant sur lui, de le contrôler, de l'asservir et de l'utiliser.
Pensez à la secrétaire nonchalante voire méprisante, qui parfois ne veut qu'une attention bienveillante, quelques mots gentils, être flattée. Pensez au policier qui vocifère, retarde et menace sur la route dans le but d'extorquer un petit billet. Pensez à l'enseignant qui rappelle à la jeune étudiante qui résiste à ses avances qu'il est celui qui corrige ses copies. Pensez au "riche de la famille" qui humilie avant d'aider pour exacerber le sentiment de redevabilité envers lui et s'ériger en "souverain" de la famille. Pensez simplement au "porteur" qui est "capricieux". Pensez à ce ministre sortant traiter les camerounais de tous noms d'oiseaux et les menacer d'emprisonnement lorsqu'ils réclament la publication de la liste électorale nationale (exigence constitutionnelle), dans le but évident de dissimuler la fraude électorale dont la survie de son régime, et de lui avec, dépend.
Les exemples pullulent dans nos quotidiens. Et tout camerounais sait ce que c'est que le sissia, quasi instinctivement. Alors pourquoi en parler ?
D'abord en parlant du sissia, on est sûr de parler à tout le monde. Mais surtout, il s'agit de mettre en lumière une disposition psychologique particulière, d'amener à la conscience une composante fondamentale de l'inconscient collectif Camerounais, et de la montrer à l'oeuvre dans la vie publique comme dans la vie privée. Nous vivons dans une culture du sissia, qui fabrique des psychologies bien particulières et des dynamiques sociales qui nous oppressent. En restant inconscients de cette gangrène, nous sommes condamnés à demeurer dans le carcan que nous vivons comme une fatalité. Parler du sissia est une façon d'explorer l'inconscient collectif camerounais, et une tentative d'agrandir la liberté des Camerounais dans leurs individualités, et du Cameroun en tant que peuple. L'enjeu me paraît important. Assez pour mériter qu'on l'aborde en partant du plus élémentaire.
A l'heure où le Cameroun, secrètement désireux de changement politique, s'apprête à aller aux élections présidentielles, circonscrire dans la culture la mentalité du sissia peut permettre de rêver plus clair ce changement. Il est peut-être plus question de changer notre conception du pouvoir et notre rapport à lui, que de régime politique en tant que tel (même si ce changement-là me paraît d'une extrême urgence). Le sissia ne pose pas problème au Cameroun seulement parce qu'il s'agit d'abus de pouvoir et d'assaut plus ou moins violent à la dignité humaine. L'abus de pouvoir est une dérive humaine qui se produit dans la plupart des sociétés humaines. Ce qui pose particulièrement problème avec le sissia au Cameroun, c'est qu'il constitue la colonne vertébrale du système politique et de la gouvernance. Et c'est de son institutionnalisation que découlent sa généralisation, sa normalisation, et sa diffusion aux couches les plus enfouies de la société.
Une très bonne théorisation du réel.
Et c’est très essentiel pour la prise de conscience, qui est le début de tout combat d’affranchisme à l’aliénation.
Le mode opératoire ressemble toujours à ceci:
1) Constater le réel (au sens scientifique. C’est à dire, sans partie pris, ou interprétation subjective)
ensuite,
2) théoriser ce réel, de sorte à donner au plus grand nombre les clés de compréhension du mécanisme qui produit ce réel.
En fin,
3) Faire confiance à l’humain.
Johann, tu fais déjà ta part, et tu le fait très bien.
Que Dieu te bénisse